Cinquième chronique pour MarianneTV consacrée au DPE qui a déclenché les hurlements des DPE-istes. Autant dire que j’ai aimé ma mauvaise foi. 54000 vues !
En voici le texte (et la vidéo), mais comme on dit dans les cabinets ministériels, « seul le prononcé fait foi » :
Cette semaine, mesdames-messieurs, l’idée à la con, c’est l’audit énergétique
Le D, P, E.
Le diagnostic de performance énergétique.
Vous savez, cette étiquette sur les annonces immobilières comme il y en a une sur les frigos et les produits alimentaires : A, B, C jusqu’à G.
En A vous êtes au vert, en G, vous êtes tout rouge.
C’est une double étiquette, en réalité, car elle porte à la fois sur la consommation d’énergie et sur les émissions de carbone.
Deux étiquettes qui ont la même double vertu supposée, orienter le marché de l’achat et de la location de logements vers ce qui consomme le moins d’énergie et ce qui participe le moins à l’effet de serre.
Sauf que ça ne marche pas.
Les litiges s’accumulent, les avocats sont saisis, les ministres aussi : un audit de l’audit énergétique a été lancé, il a abouti à une réforme de l’audit en 2021.
Mais ça n’a visiblement pas suffi car en 2022, les associations de consommateurs UFC Que Choisir et 60 millions de consommateurs ont rapporté que chaque jour elles reçoivent des réclamations.
Prenez un logement, faites passer trois, quatre, dix auditeurs différents, et vous aurez trois, quatre, dix diagnostics différents.
Il y a mieux encore. D’après la société Hellowat, sur 200 DPE qu’elle a analysés, 71 % ne correspondaient pas aux consommations réelles, délivrées par les compteurs Linky et Gazpar.
Linky, c’est l’électricity, Gazpar, c’est le gaz.
Dans 31 % des cas, l’écart correspond même à… deux lettres ! Sympa pour la revente quand vous êtes en C, et qu’on vous classe en E…
Bref, le modèle théorique qu’est un DPE ne fait le plus souvent pas mieux que la simple lecture des factures de gaz et d’électricité.
L’audit énergétique, pas plus efficace que le doigt mouillé et au hasard, ça ressemble à une réussite.
Le clou sur le cercueil a été enfoncé cette année : l’assureur MMA a décidé de ne plus couvrir en responsabilité civile professionnelle la Fédération interprofessionnelle du diagnostic immobilier (la Fidi). C’est vous dire si MMA a confiance dans le DPE.
C’est-à-dire qu’aujourd’hui, les audits ont valeur juridique.
Un petit rappel s’impose, mesdames-messieurs.
Le DPE est né le 14 septembre 2006 d’une directive européenne du 16 décembre 2002. Ce qui a changé est qu’en 2021, la loi climat et résilience en a fait quelque chose d’opposable : l’audit énergétique était jusqu’alors une étiquette informative, histoire de préparer les esprits, il est depuis 2021 une information aussi importante que le diagnostic amiante. Cette évolution était prévue.
Désormais, un acheteur peut donc se retourner contre son vendeur et ou le diagnostiqueur de celui-ci si d’aventure il constate que sa facture de chauffage n’est pas aussi basse que ce que racontait le DPE.
Aujourd’hui, si le diagnostiqueur vous dit « G + », vous n’avez plus le droit de louer votre logement. S’il vous dit G, vous ne pourrez plus louer dès le 1er janvier 2025, et si c’est F, ce sera en 2028, 2034 si c’est E. Logique. Les passoires énergétiques sont une plaie, et lutter contre est une juste cause.
Vous comprenez pourquoi c’est la panique générale. Tout le monde se foutait du DPE tant qu’il n’était qu’une étiquette, maintenant qu’il s’est transformé en coup de marteau on fait mine de se rendre compte qu’il est mal fichu, qu’on peut lui faire dire n’importe quoi.
Et pourquoi il peut dire n’importe quoi ?
Parce qu’il est un modèle théorique complexe, qui exige une grande technicité. Que n’ont pas tous les diagnostiqueurs qui sont formés… en trois jours. À utiliser une méthode, la dénommée 3CL, réputée pleine de biais.
Et voilà pourquoi mesdames-messieurs le DPE que j’ai fait réaliser durant le confinement m’a calculé une consommation énergétique déplorable, cinq fois supérieure à la réalité. De B, ma maison allait passer en F.
Pour corriger, l’auditeur un peu gêné avait dû trafiquer son logiciel en ajoutant 1 m d’isolant. Sinon, ça ne passait pas.
Ça ne passait pas pour quoi ?
Pour me proposer des travaux et trouver des aides financières pour les réaliser.
Avec le DPE en fait c’est possiblement la triple peine : mal fichu, il vous classe mal votre maison, vous propose des travaux pas forcément utiles, mal chiffrés, avec des aides mal calculées.
Quand on sait qu’une rénovation énergétique totale revient à 25000 à 60000 euros, un audit bien réalisé n’est pourtant pas inutile.
Bref, l’audit énergétique, encore une idée brillante qui aurait pu aider la rénovation énergétique si on l’avait prise au sérieux dès le début.
Et comme tout le monde s’en est foutu, c’est devenu une idée à la con.
