L’idée à la con : La zone à faibles émissions

Marianne TV ZFE

Sixième chronique pour MarianneTV consacrée aux ZFE. Une bonne idée, devenue bête à force d’être mise de côté.

En voici le texte (et la vidéo), mais comme on dit dans les cabinets ministériels, « seul le prononcé fait foi » :

Même les écolos le disent c’est vous dire…

Tenez, par exemple, leur grande cheffe, Marine Tondelier, l’autre jour à C dans l’air.

Évidemment, elle ne dit pas que c’est une idée à la con, mais que les ZFE, ce n’est ni fait ni à faire, faute de con-cer-ta-tion.

Et pourtant, on a eu du temps pour se con-cer-ter, pour an-ti-ciper, et on n’a pas fait grand-chose, on a a-tten-du : et la belle idée des ZFE est devenue une bombe à gilets jaunes.

Petit retour en arrière.

29 juin 2010, la loi Grenelle 2 lance les « Zones d’action prioritaires pour l’air », les ZAPA, histoire de mettre la France en conformité avec l’Europe, qui, le 21 mai 2008, avait voté une directive sur la qualité de l’air… applicable au 1er janvier 2010.

La France était donc déjà en retard. D’ailleurs, l’Europe lui avait déjà balancé une mise en demeure le 23 novembre 2009.

Puis une deuxième, le 22 février 2013.

Il faudra néanmoins attendre encore deux ans pour que la France crée sa première ZAPA, renommée zone à circulation contrôlée, ZCR, à Paris.

Nous sommes alors en 2015. Pas de chance, le 29 avril, l’Europe nous envoie cette fois un « avis motivé », dernier avertissement avant la Cour de Justice.

Puis, c’est le tour du Conseil d’État qui, le 12 juillet 2017, ordonne… à l’État la mise en œuvre de plans de réduction de la pollution de l’air dans 13 villes, pour ne pas avoir fait respecter – une fois encore – les normes européennes de 2010.

L’État – et les villes en question – continue pourtant de se hâter lentement, car le 24 octobre 2019, l’Europe se fâche vraiment. Ce jour-là, la Cour de Justice de l’Union condamne la France.

Et c’est alors que, étrangement, l’extase visite l’État.

Nous sommes le 26 décembre 2019 et la ZFE apparaît enfin dans la loi d’orientation des mobilités.

L’Europe a déjà 231 villes avec l’équivalent de nos ZFE, la France n’a encore que Paris, Strasbourg et Grenoble.

Mais c’est décidé, la France va accélérer. LES ZFE passent à 11. Avec loi Climat et résilience du 24 août 2021 toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants ont obligation de créer une ZFE, ce qui fait donc 45 ZFE !

Pour quand ?

Mais pour tout de suite !

Pour le 31 décembre 2024.

Ouah… Et voilà, après avoir attendu treize ans, l’État prétend rattraper le retard en moins de trois ans.

Sans doute assez peu confiant, en 2022 le Conseil d’État et la Cour de Justice européenne condamnent à nouveau la France.

En tout, 30 millions de prunes, bravo !

Aujourd’hui, tout le monde se réveille et c’est très douloureux. Comment faire en trois ans ce que d’autres pays ont mis au moins dix ans à réaliser ? Alors que l’essence et la vie quotidienne n’ont jamais été aussi coûteux ?

Comment faire pour que les gens changent leurs véhicules polluants ?

Les Crit’Air3, 4 et 5, c’est 37 % des véhicules en circulation. Encore plus dans les villes pauvres. Car moins on a d’argent, plus on a de chance de rouler dans un vieux diesel, plus la part du budget consacré à la bagnole est importante.

Cela dit, un tiers des ménages pauvres n’a pas de voiture.

Maintenant qu’ils sont au pied du mur, les élus locaux et l’État ont la trouille : comment faire sans que ça pète ?

Comme d’habitude : dérogations, étaler le calendrier, oublier de faire payer les amendes, etc. Bref, vider les ZFE de leur intérêt : à savoir lutter contre une pollution de l’air qui chaque chaque année hâte le décès de 40000 personnes.

Mais surtout, aider les gens à acheter un véhicule électrique !

La prime, le grand classique de la petite politique.

Sauf qu’avec un prix de vente moyen compris entre 24 000 et 45 000 euros, même avec les aides qui creusent les déficits, ces voitures restent inaccessibles à la plupart, fort peu pratiques et indirectement polluantes.

Cela dit, avec ça, on fait au moins marcher le commerce, c’est le but, et surtout, on évite de se poser la bonne question : pourquoi on a tant besoin de notre voiture ? Parce que nous en sommes drogués, et parce que l’immobilier est cher, ce qui nous condamne à l’éloignement, là où les transports en commun, pas de chance, ne vont pas ou sont moins fiables.

Verser des primes permet de faire semblant d’agir en ne changeant strictement rien.

Bref, les ZFE, c’est une coquille lentement vidée par l’impréparation et le déni de l’État et des élus locaux.