L’idée à la con : la cafetière connectée

Marianne TV cafetière électrique

Quatrième chronique pour MarianneTV consacrée aux objets connectés, débiles et énergivores.

En voici le texte (et la vidéo), mais comme on dit dans les cabinets ministériels, « seul le prononcé fait foi » :

Cette semaine, mesdames-messieurs, l’idée à la con, c’est la cafetière connectée

3’55’’

Pourtant, je lis sur le site d’un constructeur que, connectée, la cafetière « offre une expérience café incomparable. »

C’est vrai : je peux programmer mon café rien qu’à moi depuis mon téléphone !

Comme ça, au bureau, on arrive à la machine à café, on n’a même plus à y toucher – les touches, c’est sale – on n’a même plus à demander au collègue ce qu’il veut, car il suffit d’approcher son téléphone oui sa montre – connectée pour que le café sorte comme on veut. On n’attend plus, quel bonheur

Les discussions à la machine à café vont subir une évolution intéressante.

Cela dit, mesdames-messieurs, ne soyons pas réacs, et observons le monde tel qu’il est : aujourd’hui, tous les objets sont déjà connectés ou en passe de l’être.

Ainsi, le frigo.

Il est devenu majordome.

Il scanne les produits que vous y mettez, il connaît donc les dates de péremption. À force, il connaît vos habitudes

Après un petit temps d’adaptation, il vous donne deux informations capitales sur un grand écran : le beurre va bientôt manquer, et il serait temps de le manger avant la semaine prochaine.

Ce n’est pas tout !

Les meilleurs parmi les frigos connectés vont plus loin encore dans l’information essentielle : ils vous disent « tu peux faire une béchamel avec le beurre qui te reste », et « si tu veux, je peux te commander du beurre, il te sera livré demain. »

Avec cela, c’est certain, il n’y aura plus d’intoxications alimentaires qui touchent chaque année en France 15 000 personnes, dont 12 en meurent.

Pour moitié, ça tombe bien, ces intoxications viennent du non-respect des dates de péremption et, ou, de l’hygiène déplorable du frigo.

Bref, grâce à Internet, le Wifi, le Bluetooth, et la 5G, plus personne n’aura la diarrhée.

Et avec le temps gagné, la femme sera enfin libérée de la tragédie des courses. Mais pas de la contrainte de faire à bouffer… en se laissant toutefois guider par son robot, son micro-ondes et son four, tous connectés.

Il y a plus utile encore. Par exemple, le compagnon idéal du frigo connecté, c’est le bac à œuf connecté, qui vous informe en temps réel, sur votre téléphone, du nombre d’œufs qu’il vous reste.

Et si…

Ou bien le décapsuleur connecté qui informe vos amis que vous êtes en train de boire tout seul comme un con, et, accessoirement, le fabricant, de vos habitudes.

Il y a aussi la fourchette connectée qui vibre si elle pense que vous mangez trop vite.

Elle vibre, elle pourrait même vous couper la langue si d’aventure elle se faisait hacker.

Car, comme l’ont montré des travaux réalisés par le Laboratoire d’analyse et d’architecture des systèmes (le LAAS) du CNRS à Toulouse, tout objet connecté est une porte d’entrée pour pirater notre vie quotidienne : un bon hacker peut se servir de la fourchette, du frigo ou de la cafetière pour contrôler des objets plus sensibles comme votre box.

Ce n’est pas une découverte, cela dit. En 2017 déjà, la CNIL avait publié une alerte sur les assistants connectés, recommandant… d’en couper les micros et de les éteindre le plus souvent possible afin de limiter le risque… « d’espionnage. »

Cependant, il y a au moins un domaine dans lequel les objets connectés sont utiles : les thermostats, les prises électriques, les ampoules. Ils vous informent, ils vous permettent de contrôler finement votre consommation énergétique.

Comme ce pommeau de douche – connecté – qui diffuse une lumière qui va du vert au rouge si vous restez vraiment trop longtemps sous l’eau trop chaude.

Pas bête non ?

Non, c’est complètement con.

Car selon l’Ademe, au train où vont les choses, le trafic de données sur Terre aura été multiplié par six en 2030 par rapport à 2020, en bonne partie à cause des objets connectés.

Six fois plus de données, cela veut dire, pour nous, 5 % de consommation électrique en plus à la maison, 45 % d’émissions de gaz à effet de serre en plus pour le secteur du numérique et un besoin en matériaux (terres rares, métaux lourds etc.) augmenté de 14 %.

À l’horizon 2050, cela veut dire que le secteur du numérique, qui émet déjà plus de carbone que tous les avions réunis en émettra trois fois plus qu’aujourd’hui. 12% des émissions totales.

Oui, mesdames-messieurs, les objets connectés c’est vraiment une idée à la con.

Et vive le café filtre, la chirloute, comme on dit chez moi, en pays ch’ti.