L’idée à la con : l’A69

Marianne TV A69

Septième chronique pour MarianneTV consacrée à l’A69, la grosse quéquette des élus castrais très frustrés de ne pas en avoir une comme celle des Albigeois.

En voici le texte (et la vidéo), mais comme on dit dans les cabinets ministériels, « seul le prononcé fait foi » :

Prenez une carte. Mettez le pouce sur Toulouse et l’auriculaire sur Castres, et mesurez.

Entre les deux, il y a de 75 à 90 km, selon l’itinéraire, par la nationale (126) puis un bout de départementale (la 59) ou bien d’autoroute (l’A68). Soit, entre 1h et 1h20 selon le sens du vent et les bouchons.

C’est un peu long.

Et dangereux.

Il en va donc de l’avenir de la région de Castres toute enclavée. Il faut moderniser tout cela.

Dans le Tarn libre du 22 décembre 2022, la CCI du Tarn le dit d’ailleurs haut et fort : elle réaffirme la nécessité d’une autoroute pour, je cite, « désenclaver nos territoires, pour maintenir nos emplois et en créer de nouveaux, pour offrir à nos jeunes un enseignement de qualité, pour permettre à nos anciens d’accéder à toutes les spécialités médicales. »

C’est un formulaire, dans la case libre pour mettez autoroute, aéroport, tramway ou zones d’activités, ça marche aussi.

L’A69 est donc, vous l’avez compris, indispensable.

53 km de long, dont 44 km de tracés neufs, et un petit branchement sur l’A68 existante. En gros, le trajet actuel, mais à côté.

Atosca le futur gestionnaire, le garantit, cette autoroute permettra au Tarnais et à la Tarnaise de mettre 25 à 35’ de moins pour aller de Castres à Toulouse. C’est sans doute exagéré, mais admettons.

Avec en plus cinq fois moins de risques d’accident.

Et 1000 créations d’emplois à la clé, on y croit.

Et, saucisse sur le cassoulet, 23% du budget total des travaux seront consacrés à la préservation de l’environnement. Bien entendu.

Bien entendu, car une autoroute, c’est des tonnes de carbone balancées dans l’atmosphère, pour sa construction, et son utilisation, c’est une bande de macadam qui réchauffera l’air caniculaire des prochains étés, c’est aussi 400 ha de terres agricoles et de terres agricoles qu’on ne retrouvera jamais.

Et tout ça pour combien mesdames-messieurs ?

6,77 euros par trajet. Ajoutez encore 1,70 euros de péage sur l’A68, et on arrive à un petit 8,50€. C’est quand même un peu cher.

Plus l’essence, 8 euros. Minimum. Par trajet.

Cela met donc le Castres-Toulouse à 16,5, soit 33 euros l’aller-retour, au lieu de 19,4. 70% d’augmentation.

Mais Atosca a pensé à tout : l’abonnement.

4,06 € par trajet, ce qui met l’AR complet en comptant l’essence à 27,5 euros.

Mais pour bénéficier de cette largesse, il faut s’abonner, donc, faire 40 trajets par mois. Soit un AR par jour ouvré. Alors là, évidemment, on gagne 20 h de temps libre dans le mois, pour 230 euros de plus par rapport à aujourd’hui où la route est gratuite.

Tout de même

Encore trop cher ? Atosca a encore pensé à vous : la bagnole électrique !

Si vous en avez une, on arrive à 5,42 € le trajet, et 2,71 avec l’abonnement.

Là, évidemment, en tout, cela vous met l’aller-retour entre 5,4 et 11,8.

Bon, pour cela, faut acheter une voiture électrique, qui se vend entre 24000 et 45000 € en moyenne, un détail.

Et recharger chez soi pour payer l’électricité le moins cher.

Voilà donc à ce stade la question que je me pose, mesdames-messieurs : pourquoi faire une autoroute qui va coûter si cher aux gens ? Qui l’empruntera ? Les riches, les plus grosses entreprises ?

Et sur la nationale ne rouleront donc plus que les pauvres et les artisans ?

D’ailleurs, tiens, la nationale.

Les opposants regroupés dans le collectif La Voie est Libre se demandent : pourquoi ne pas simplement l’élargir, voire, encore plus simplement la mettre en 2×2 voies uniquement là où ça bouchonne (à la sortie de Castres) et là où ça s’accidente (à Cuq-Toulza) ?

Oui certes, mais non, car rénover la N126 ça coûterait trop cher, paraît-il. Pour l’État. Alors qu’avec l’autoroute, on a un partenariat-public-privé, et 6% seulement de subventions publiques.

Et puis, que voulez-vous, une autoroute ça pose son élu local. Quand Albi a eu son A68 vers Toulouse, Castres a dit « ouais moi aussi j’en veux une grosse. » C’était en 1995.

Trente ans, donc, pour accoucher d’une autoroute indispensable au désenclavement.

Une autoroute qui devrait être chaque jour empruntée par 8400 voitures et 800 camions, selon les prévisions d’Atosca.

Or, d’après un récent rapport du conseil d’orientation des infrastructures, le seuil minimal en-dessous duquel il ne faudrait pas faire d’autoroute est de 10000 véhicules par jour.

Quant à la Dreal elle estime que le report entre la nationale et l’autoroute serait au mieux de 80%.

À partir d’un flux qui oscille aujourd’hui entre 5600 et 8300 véhicules sur le trajet complet.

L’A69, c’est donc du carbone, un long ruban qui réchauffera l’air pour 4500 à 6600 personnes.

53 km de conneries.